Je lui ai dit combien nous l’ aimions tous et qu’il était en train de vivre le moment le plus important
de sa vie. Il allait enfin connaître la vie véritable…Nous avons prié mes enfants et moi le Saint père et la
Sainte Mère de Jésus. Puis quand je lui ai dit qu’il ne devait pas s’inquiéter pour ma mère car on s’occuperait bien d’elle, il a donné son dernier souffle quelques secondes plus tard. Tout cela aura duré une demi heure à peine.
Mon père fut un homme bon et travailleur. Il était comme son père avant lui une force de la nature. Il était toujours soigné et il aimait l’ordre et les choses bien faites. Il m’aura transmis cette idée de la
discipline , de la fidélité et une immense sensibilité. Car mon père disait , je ne suis pas fort … en
voulant dire par là que son cœur n’était pas celui d’un dur. Il avait un cœur tendre et plein d ‘
inquiétudes permanentes pour sa famille. Il avait eu le cœur brisé par la perte de ses parents , car il les avait laissés en Italie. Et il s’en voulait d’avoir fait souffrir sa mère et son père de cet éloignement, lui qui était leur fils unique…
Mon père était un lutteur, il avait une immense envie de vivre. En 1976 il fut atteint d’un cancer du pancréas et de l’intestin. il fut l’un des premiers patients de l’hôpital St Luc qui venait d’ ouvrir ses portes. Il fut un miraculé. C’est le mot même qu’employait le chirurgien qui l’avait opéré. Il a toujours remis sa guérison sur l’ intercession du Béatifié Fra Marcellino qui est de notre famille. Le hasard fut que je naquisse cette année-là et cela lui donna aussi la force et la volonté pour dépasser la maladie et de guérir me disait-il souvent. Il aura vécu 43 ans sans pancréas, avec un bout d’intestin en moins et la vésicule en moins. Je me souviens que petit j’étais très impressionné par sa grande cicatrice sur son ventre. Suite à cela il devint diabétique et dut cesser son travail. Il était peintre en bâtiment et peignait des pylônes électriques. Il en était fier car je me souviens lorsqu’on passait devant certains lieux ou il avait travaillé , il n’ hésitait pas à me le rappeler en me montrant de grands pylônes. Il montait tout en haut me disait-il et il fallait c’est vrai du courage pour faire ce genre de travail. Sa mise en invalidité l’ humiliait beaucoup. Mais le fils de paysan qu’il était se mit à travailler la terre. Il passait ses journées dans son jardin, il s’occupait des lapins et des poules. Il coupait l’herbe et faisait le foin pour les nourrir. Il allait dans les champs pour ramasser les épis de maïs laissés au sol avec son ami Rovigo et ensuite les faisaient sécher et puis les concassaient pour nourrir ses bêtes. Mon papa n’a jamais fait d’extravagance et il aura passé sa vie à éviter les gaspillages. Il nous a nourris quasi quotidiennement avec les fruits de son labeur. Il faisait son pain dans un four à bois qu’il avait construit. Il les congelait et ensuite lorsqu’il en prenait un et le décongelait pour le manger , il mettait une pièce de 50 fr belges dans une tirelire en bois qu’il avait faite de ses mains. A la fin de l’année il ramassait et comptait les pièces et s’en servait pour payer l’essence pour faire le voyage jusqu’en Italie. Il faisait les manches de ses couteaux, réparait des vieux meubles… Il ne rachetait et ne jetait quasi rien mais réparait les choses. Mon père je me souviens, faisait toujours de petits bouquets de fleurs pour notre mère à l’occasion de la Saint Valentin ou de la fête du muguet. C’est à ses rares occasions que j’ai pu voir entre eux de petits bisous. Je gravitais en permanence autour de lui quand je jouais au jardin. Je le regardais bêcher et je me souviens que je l’embêtais car j’étais triste quand il coupait un vers de terre en deux avec un coup de bêche. Alors il riait , mais de temps à autre retirait les vers pour me montrer qu’il avait été sensible à ma requête. Il adorait mes sœurs et était très fier d’elles qui étaient devenues professeurs et avait fini l’université. Son plaisir fut ses 25 dernières années de regarder la Rai , ou il suivait les émissions de variété avec plaisir. Il me disait , il y a des chansons magnifiques. Il aimait la musique Italienne napolitaine et pourtant il prenait patience et écoutait avec moi dans sa voiture les musiques de mon adolescence comme les Doors… ce qui devait entre nous l’ insupporter, mais il supportait tout pour moi. Je pense qu’il fut très fier lorsque je me suis marié en 2016. Je le revois encore tout beau dans son costume et souriant. Hélas cette date marque la dernière fois qu’il prit sa voiture. Il commençait à avoir des problèmes de conduite et la maladie de parkinson pointait son nez. Elle fut son plus grand malheur car elle lui ruina ses dernières années. En peu de temps il n’arrivait plus à bouger son corps avec l’habilité qui lui était propre. Il n’ avait plus l’équilibre et avait de grandes difficultés à marcher. Mais malgré tout ses soucis et son inquiétude étaient envers notre mère. Il avait toujours peur pour elle, car il la voyait en mauvaise santé. Il me disait « je m’inquiète pour ta mère » et sans doute qu’a ma mère il disait qu’il « s’ inquiétait pour ses enfants ». Mais l’enfant qui était née de mon mariage avec Lisa, la petite Mona, lui amenait un grand bonheur et cela compensait ses souffrances. Il était si content de la voir lors de nos visites. Ma femme Lisa, fut a ses yeux comme une troisième fille. Je crois qu’il l’aimait incroyablement, car en plus il l’a trouvait belle et gentille. Je pense que cela le rassurait beaucoup de la savoir près de moi. Si par hasard il m’arrivait d’aller le visiter sans elle il s’inquiétait tout de suite. « Où est Lisa » Me répétait-il, « tu t’es disputé » ? … Alors même lorsqu’on « n’allait pas d’accord » ( comme il disait) , on allait le voir ensemble pour qu’il soit moins anxieux. Mon père me dit une phrase lorsqu’il rentra la première fois à l’hôpital au mois de novembre 2019, il était en grande souffrance mais très conscient. Je pense qu’il se voyait mourir déjà à ce moment-là… du-moins il se savait en danger. Il me dit entre plusieurs respirations difficiles causées par les toxines dans son sang… « Pascal » … « règles les problèmes avec patience »… « et… bonne intelligence »… C’est mot pour mot ce qu’il me dit alors qu’il était en souffrance dans son lit d’hôpital. Il luttera encore presque 2 mois avant de s’éteindre ? Nous nous serons battus pour lui.
Mais les docteurs voulaient que mon père s’en aille. Ce n’était pas notre choix papa. Je reste avec le goût amer de ne pas avoir pu t’aider plus que cela dans ces moments de souffrances. Mais où encore tu m’as montré une telle volonté et un courage immense. Tu as versé une petite larme en mourant et je me suis signé avec. Car tu me signais toujours d’un signe de la croix lorsque je partais. Que Dieu le père te bénisse et qu’il te garde près de lui. Que La Sainte Vierge soit ta protectrice et que Jésus son fils soit ton avocat et que le Saint Esprit soit avec toi.